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Histoire du Mazet-Saint-Voy
11 novembre 2008

L'année 1917

La crise morale de l’annÉe 1917

Interview (1989) d’Henriette Mathieu

orignaire du Mazet-saint-Voy (43)

sur la guerre de 1914-1918 et Saint-Etienne

Lorsque la guerre éclate, Henriette Mathieu n’a que quatorze ans.

En 1914, ce n’était pas du tout « la fleur au fusil » ?

Je ne crois pas. C’était la catastrophe. Il y avait les jeunes qui allaient être rappelés au service militaire. Il n’y en avait pas beaucoup d’ailleurs, parce que la grande affaire du pays en particulier chez les jeunes, c’était d’essayer tous les procédés pour ne pas faire de service militaire. Alors ils se blessaient un doigt, ils avalaient du vinaigre en quantité industrielle, jeûnaient, pour arriver en mauvais état physique au moment de la visite médicale. On ne peut pas dire que c’était l’horreur mais c’était l’accablement, quoi. On ne présageait rien de bon. [...]

Commentaire

En général en 1914 dans les campagnes les gens ont plutôt été effondrés. Les scènes d’enthousiasme sont rares, limitées aux villes et à quelques journées.

Tu habitais Saint-Etienne ?

J’habitais Saint-Etienne à ce moment-là. Seulement j’étais normalienne et l’Ecole Normale avait été mobilisée un certain temps mais pas très longtemps. On a pensé en fin de compte qu’il fallait mieux laisser rentrer les élèves d’Ecole Normale dans leur établissement. J’allais assez souvent les jeudis et les dimanches dans la famille mais je n’habitais pas à la maison. [...]

Vous suiviez les opérations ?

Je pense bien qu’on suivait les opérations. On avait des cartes de France et des petits drapeaux et on faisait comme tous les gens en France, on mettait des petits drapeaux qui avançaient ou qui reculaient suivant ce que les directives officielles racontaient. On était évidemment très sceptiques, mais enfin en gros quoi... mais je pense qu’on avait confiance quand même dans l’ensemble.

L’année 1917

Il y eu une période à Saint-Etienne qui a été plutôt dure, c’était autour de 1917. Il y avait pas mal de Stéphanois qui avaient été mobilisés dans les usines d’armement. En particulier dans la famille de mon père qui avait réussi à faire mobiliser quelques-uns de ses neveux. En particulier Néhémi Cachard avait été mobilisé comme ouvrier dans une usine. Néhémi Cachard a pu passer toute la guerre comme ça, dans des usines à Saint-Etienne. Alors en 1917 il y eu une révolte à Saint-Etienne.

Les ouvriers... ils auraient quand même pu se tenir tranquilles, ils étaient quand même à l’abri, n’est-ce-pas. Et bien ils en avaient assez. Et je me souviens toujours, j’étais avec Maman dans la rue, nous avons dû nous réfugier dans une maison parce que il y avait les cortèges d’ouvriers qui clamaient la révolution et puis des gendarmes ou des soldats à cheval qui se dépliaient dans la grande artère à Saint-Etienne. C’est un de mes souvenirs et je me rappelle très très bien cette ruade, cette ruée des chevaux et des gens qui couraient de tous côtés. Nous n’étions pas tout à fait dans la mêlée mais nous n’étions pas loin.

Moi j’ai gardé deux souvenirs de cette... des révolutionnaires, si tu veux, des grévistes ou autres dans les rues de Saint-Etienne. C’était la grande rue évidemment qu’ils parcouraient, la plus large et la plus commode où ils pouvaient se faire entendre.

Une autre fois nous avions été les voir, parce que nous habitions, en somme, en arrière de la grande rue, rue Voltaire. Mais il y avait une cour, il y avait un autre bâtiment et c’était la grande rue. Alors on allait souvent chez les gens qui étaient en face. Il y avait en particulier un pharmacien. Je m’amusais beaucoup avec une de ses filles et j’ai dû voir là des grévistes. Je ne sais pas bien à quelle époque, mais c’était plutôt après la guerre, qui criaient l’Internationale, qui circulaient le poing levé. C’était d’ailleurs impressionnant et pas réjouissant.

Mais je crois que la grève, ce devait être avant. Parce qu’il me semble que j’étais plus petite que lors de la ruée des gendarmes après les grévistes des usines métallurgistes. Je pense qu’ils devaient trouver qu’on les faisait trop travailler. On avait dû augmenter leurs horaires de travail.

Commentaire

A Saint-Etienne il y avait beaucoup d’usines de métallurgie et d’armement (mitrailleuses). En 1917 les ouvriers réclament des augmentations de salaire afin de suivre l’augmentation importante des prix. Ils veulent aussi la semaine anglaise sans perte de salaire. Les femmes sont épuisées par l’accélération des cadences. Les idées pacifistes progressent. Toutefois le mouvement est essentiellement motivé par le rappel sur le front d’un syndicaliste. Spontanément et massivement les ouvriers se mettent en grève fin novembre 1917. Le 2 décembre une gigantesque manifestation traverse la ville.

Est-ce que les gens parlaient beaucoup de l’Alsace-Lorraine ?

Non... peut-être qu’à Paris... peut-être que dans l’Est ça pouvait avoir un sens, mais j’ai l’impression qu’à Saint-Etienne la plupart des gens se fichait complètement de l’Alsace-Lorraine. En tous cas dans notre pays à la campagne, jamais j’ai entendu parler de l’Alsace et de la Lorraine.

Il y avait une espèce de chanson qui était très belle. On parlait du Rhin allemand. Nous l’avons eu, ce fameux Rhin allemand, il a tenu dans notre verre etc. [...]

Une foule en colère

J’ai un peu horreur de la foule. Je pense que les instincts... peut-être aussi les récits de Papa. Quand est arrivé 1914, Maman était partie au Riou avec moi et mes soeurs et Papa était resté à Saint-Etienne. Au moment de la déclaration de guerre, il était à Saint-Etienne. Il nous avait raconté une histoire d’un type, il ne savait pas du tout si c’était un espion ou non. Est-ce que c’était un étranger ou quoi, mais la foule l’avait considéré comme un espion et elle était en train de l’écharper, de le lapider quand les gendarmes sont venus le délivrer. C’était une furie de foule qui - précisément parce qu’elle avait horreur de la guerre - s’en était pris à une pauvre créature. Il n’y avait pas moyen de s’interposer. Mon père était horrifié. [...]

Et la fin de la guerre ?

Je n’étais plus à Saint-Etienne parce que j’avais fini mon temps d’Ecole Normale et j’étais partie en 4me année, en 5me année du moins, pour préparer Fontenay. J’étais à l’Ecole Normale de Nîmes. Alors il y a eu la fête dans les rues de Nîmes. Moi j’étais horrifiée, j’étais une puritaine, j’étais... comment dire... une jeune fille réservée. Les soldats en liesse se jetaient sur les filles. Ils ont essayé de m’embrasser. Moi j’ai probablement hurlé, pris mes jambes à mon coup, je n’en sais rien du tout, mais je ne me suis pas tellement réjouie. J’étais très réjouie par la fin de la guerre bien entendu, mais cette liesse...

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